
Décision 99-423 DC -
13 janvier 2000
Loi relative à la
réduction négociée du temps de travail
Décision n° 99-423 DC du 13
janvier 2000
(Loi relative à la réduction négociée du temps de travail)
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
modifiée portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de
ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et
d'incitation relative à la réduction du temps de
travail ;
Vu la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de
financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 portant loi
de finances pour 2000 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 98-401
DC du 10 juin 1998 relative à la loi du 13 juin 1998
précitée ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 6
janvier 2000 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les auteurs des saisines demandent au
Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la
Constitution la loi relative à la réduction négociée
du temps de travail ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA VIOLATION DE
L'ARTICLE 34 DE LA CONSTITUTION :
Considérant que les auteurs des deux saisines
soutiennent que le législateur aurait, à divers titres,
méconnu les exigences qui découlent de l'article 34 de
la Constitution, notamment en n'exerçant pas pleinement
sa compétence ;
. En ce qui concerne les griefs relatifs à
l'incompétence négative du législateur :
Considérant, en premier lieu, que les députés
requérants font valoir que le IV de l'article 1er
serait contraire à la Constitution dans la mesure où il
" introduit des éléments d'appréciation à
caractère subjectif ouvrant la voie à des contentieux
et à une inégalité dans l'application " ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'ils font état
d'imprécisions qui vicieraient également l'article 17
de la loi déférée ;
Considérant, en troisième lieu, que les députés et
les sénateurs requérants font valoir que l'article 19
de la loi déférée ne serait pas suffisamment précis
quant aux critères de suppression et de suspension du
bénéfice de l'allègement des cotisations sociales
patronales qu'il prévoit ; qu'en particulier, le
législateur ne pouvait, sans méconnaître sa
compétence, " renvoyer à un décret en Conseil
d'Etat la détermination des modalités de suspension du
bénéfice de l'allègement sans fixer lui-même des
critères objectifs servant à apprécier le respect ou
non de l'exigence de compatibilité " des durées et
horaires de travail pratiqués dans l'entreprise avec les
limites définies au I du même article ;
Considérant, en premier lieu, que le IV de l'article
1er insère un nouvel alinéa après le
premier alinéa de l'article L. 321-4-1 du code du
travail ; qu'il en résulte que l'employeur, dans les
entreprises employant au moins cinquante salariés,
préalablement à l'établissement et à la communication
aux représentants du personnel du plan social destiné
notamment à éviter les licenciements ou en limiter le
nombre, " doit avoir conclu un accord de réduction
du temps de travail portant la durée collective du
travail des salariés de l'entreprise à un niveau égal
ou inférieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou à
1600 heures sur l'année, ou, à défaut, avoir engagé
sérieusement et loyalement des négociations tendant à
la conclusion d'un tel accord " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de
l'article 34 de la Constitution que la loi détermine les
principes fondamentaux du droit du travail, du droit
syndical et de la sécurité sociale ;
Considérant qu'en instituant une obligation
préalable à l'établissement du plan social, sans
préciser les effets de son inobservation et, en
particulier, en laissant aux autorités administratives
et juridictionnelles le soin de déterminer si cette
obligation est une condition de validité du plan social,
et si son inobservation rend nulles et de nul effet les
procédures de licenciement subséquentes, le
législateur n'a pas pleinement exercé sa compétence ;
qu'il y a lieu par conséquent de déclarer contraire à
la Constitution le IV de l'article 1er de la
loi déférée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en distinguant à
l'article L. 932-2 du code du travail, introduit par
l'article 17 de la loi, entre les actions de formation
que l'employeur est tenu d'assurer pour "
l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs
emplois ", qui font partie du temps de travail
effectif, et celles relatives au " développement
des compétences des salariés ", qui peuvent être
organisées pour partie hors du temps de travail
effectif, le législateur n'est pas resté en-deçà de
sa compétence ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 19 de
la loi déférée est relatif aux conditions dans
lesquelles " les entreprises qui appliquent un
accord collectif fixant la durée collective du travail
au plus soit à trente-cinq heures hebdomadaires, soit à
1600 heures sur l'année et s'engagent dans ce cadre à
créer ou à préserver des emplois " vont pouvoir
bénéficier de l'allègement de cotisations sociales
défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité
sociale ;
Considérant que le II de cet article précise quels
accords ou conventions ouvrent droit à l'allègement ;
que son III énumère les questions qui devront être
obligatoirement traitées par ces accords ; qu'il
résulte en particulier du paragraphe 1 que doivent être
déterminées " la durée du travail, les
catégories de salariés concernés, les modalités
d'organisation et de décompte du temps de travail, les
incidences sur la rémunération de la réduction du
temps de travail " ; qu'aux termes du paragraphe 2 :
" La convention ou l'accord d'entreprise ou
d'établissement détermine le nombre d'emplois créés
ou préservés du fait de la réduction du temps de
travail et les incidences prévisibles de celle-ci sur la
structure de l'emploi dans l'entreprise..." ; qu'en
outre, la convention ou l'accord " doit comporter
des mesures visant à favoriser le passage d'un emploi à
temps partiel à un emploi à temps complet (...) ainsi
qu'à favoriser l'égalité professionnelle entre hommes
et femmes... " ; que, lorsque la convention ou
l'accord prévoit des embauches, celles-ci " doivent
être effectuées dans un délai d'un an à compter de la
réduction effective du temps de travail, sauf
stipulation contraire de l'accord " ;
Considérant que la détermination des emplois créés
ou préservés du fait de la réduction de la durée du
travail, ainsi que le contenu des stipulations
conventionnelles obligatoires, relèvent ainsi
exclusivement de l'accord conclu entre les partenaires
sociaux ; que ni l'autorité administrative, ni
l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité
sociale n'exercera de contrôle sur l'opportunité ou la
portée de ce dispositif conventionnel ;
Considérant que le XV de l'article 19 précise les
cas dans lesquels le non respect des engagements prévus
par la convention ou l'accord entraîne la suppression ou
la suspension du bénéfice de l'allègement des
cotisations sociales ; qu'en particulier, il y a lieu à
suppression en cas de fausse déclaration ou d'omission
tendant à obtenir le bénéfice de l'allègement, ainsi
qu'en l'absence, imputable à l'employeur, de mise en
oeuvre des clauses de la convention ou de l'accord
relatives à la durée collective du travail ; qu'il y a
lieu à suspension lorsque l'engagement en termes
d'embauche prévu par l'accord n'est pas réalisé dans
le délai d'un an précité, ainsi que lorsque l'horaire
collectif de travail pratiqué dans l'entreprise est
" incompatible " avec les durées et les
horaires de travail déterminés dans l'accord lui-même
; que cette formulation doit être entendue comme visant
l'hypothèse d'un horaire collectif pratiqué dans
l'entreprise qui serait manifestement contraire à la
durée fixée dans l'accord ;
Considérant qu'il résulte du second alinéa du XVI
de l'article 19 que le bénéfice de l'allègement pourra
notamment être supprimé à défaut de "
conformité de l'accord " ; que cette non
conformité doit être entendue comme visant
exclusivement l'hypothèse où les règles de conclusion
des accords collectifs mentionnés au II du même article
n'ont pas été respectées, qu'il s'agisse des règles
de droit commun relatives à la conclusion des accords
collectifs ou des règles spécifiques prévues aux V, VI
et VII de l'article 19 ;
Considérant, enfin, que les dispositions critiquées
organisent une procédure contradictoire préalable à la
décision de l'organisme de recouvrement des cotisations
sociales de supprimer ou suspendre le bénéfice de
l'allègement ; qu'en particulier, l'autorité
administrative compétente établit un rapport qui est
communiqué à l'employeur et aux organisations
représentatives des salariés concernés ;
Considérant, sous les trois réserves énoncées
ci-dessus, qu'en déterminant les principes ci-dessus
décrits et en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat
les conditions d'application de ces principes, le
législateur n'a pas méconnu la compétence qu'il tient
de l'article 34 de la Constitution ;
. En ce qui concerne les autres griefs tirés de la
violation de l'article 34 de la Constitution :
Considérant, en premier lieu, que les sénateurs
saisissants soutiennent que le Parlement se serait "
partiellement dessaisi de son pouvoir budgétaire ",
les partenaires sociaux acquérant, " par leur seule
volonté, le pouvoir de faire varier le montant des
dépenses publiques " ; qu'ils font valoir, en
deuxième lieu, que l'exigence constitutionnelle de
clarté de la loi serait méconnue dans la mesure où les
dispositions de la loi déférée relatives à la
modulation du temps de travail contrediraient les
dispositions du code du travail relatives aux jours
fériés sans pour autant les modifier ; qu'ils
soutiennent enfin que le V de l'article 32 de la loi
constituerait une injonction inconstitutionnelle
adressée au Gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, que les conséquences
des allègements de cotisations sociales réservés aux
entreprises ayant conclu un accord collectif de
réduction du temps de travail, compte tenu de leur
incidence sur l'équilibre général des régimes
obligatoires de base, ont été prises en compte dans la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
susvisée ; que, par ailleurs, les conséquences
budgétaires de ces nouvelles mesures législatives, en
particulier la contribution de l'Etat au fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale, l'ont été par la loi de finances
pour 2000 susvisée ;
Considérant, en deuxième lieu, que manque en fait le
moyen tiré de la violation de l'exigence
constitutionnelle de clarté de la loi, les dispositions
relatives à la modulation du temps de travail ne
modifiant pas les règles concernant le chômage des
jours fériés résultant de l'article L. 222-1 du code
du travail ;
Considérant, enfin, que l'article 32 de la loi
déférée détermine les règles de rémunération
applicables aux salariés relevant du salaire minimum de
croissance en fonction de leur situation au regard de la
durée du travail ; qu'en application de cet article, les
salariés rémunérés au salaire minimum de croissance
prévu à l'article L. 141-2 du code du travail
bénéficieront, en cas de réduction de leur durée de
travail, d'une garantie de rémunération assurée par le
versement d'un complément différentiel de salaire ;
qu'en vertu du V du même article, le Gouvernement devra
présenter, avant le 31 décembre 2002, un rapport
retraçant l'évolution des rémunérations des salariés
bénéficiant de la garantie de ressources précédemment
définie ; que ce rapport précisera " les mesures
envisagées, en tant que de besoin, pour rendre cette
garantie sans objet au plus tard le 1er
juillet 2005 ", compte tenu notamment de la
progression du salaire minimum de croissance ; qu'"
au vu des conclusions de ce rapport, seront arrêtées
les mesures nécessaires pour qu'à cette date la
garantie, devenue sans objet, cesse de produire effet
" ;
Considérant que la dernière phrase du V de l'article
32 de la loi déférée, qui oblige le Gouvernement à
arrêter les mesures nécessaires pour qu'à la date du 1er
juillet 2005 le complément différentiel ne produise
plus effet, trouve sa base juridique dans l'article 34 de
la Constitution, s'agissant de la mise en oeuvre du
pouvoir réglementaire d'exécution des lois ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que
les autres griefs ainsi soulevés relatifs à la
violation de l'article 34 de la Constitution doivent
être rejetés ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA VIOLATION DE
L'ARTICLE 4 DE LA DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET
DU CITOYEN DE 1789 :
Considérant que les requérants soutiennent que la
loi déférée aurait méconnu à divers titres l'article
4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 ; que seraient ainsi méconnues la liberté
d'entreprendre, la liberté personnelle des salariés et
la liberté contractuelle ;
. En ce qui concerne la méconnaissance de la
liberté d'entreprendre :
Considérant, en premier lieu, que les députés et
les sénateurs requérants soutiennent que l'article 8 de
la loi, rapproché de ses articles 9 et 19, en fixant à
1600 heures par an le volume annuel d'heures au-delà
duquel s'applique le régime des heures supplémentaires
en cas d'annualisation de la durée du travail,
réduirait de façon disproportionnée, " par
rapport aux capacités techniques et financières des
entreprises ", la capacité productive des salariés
; que cette perte de capacité productive irait "
très largement au-delà de celle qui aurait dû
normalement résulter de la réduction de la durée
légale du travail à trente-cinq heures " ;
Considérant qu'ils font également valoir que les
dispositions particulières relatives aux personnels
d'encadrement, prévues par l'article 11, entraînent une
" réduction brutale et massive du nombre de jours
maximum de travail " portant une " atteinte
manifestement excessive à la liberté d'entreprendre des
employeurs " ; qu'il en irait de même de "
l'inclusion de contreparties pour le temps d'habillage et
de déshabillage " prévue par l'article 2, de
" l'interdiction de mettre en place des horaires
d'équivalence par accord de branche ou d'entreprise
" qui résulte de l'article 3, de la nouvelle
réglementation des astreintes instaurée par l'article
4, du régime des heures supplémentaires mis en place
par l'article 5, et de l'exclusion des " formations
d'adaptation à l'évolution de l'emploi " du champ
des formations susceptibles d'être effectuées en partie
en dehors du temps de travail, qui découle de l'article
17 ;
Considérant, en deuxième lieu, que les députés et
sénateurs saisissants dénoncent une immixtion abusive
de l'administration dans la mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail et, par voie de
conséquence, dans le fonctionnement des entreprises ;
qu'en particulier, " la menace permanente de
suppression des aides financières donnerait un pouvoir
exorbitant à l'administration pour accorder, suspendre
ou supprimer le bénéfice des allègements de charges
" ; que les articles 19 et 20 de la loi déférée
auraient également pour effet de déposséder le chef
d'entreprise de son pouvoir de gestion et d'organisation
compte tenu des prérogatives qu'ils reconnaissent aux
organisations syndicales dans la conclusion des accords
d'entreprises ouvrant droit aux allègements de
cotisations sociales ;
Considérant, d'une part, qu'il est loisible au
législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre,
qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789, les limitations
justifiées par l'intérêt général ou liées à des
exigences constitutionnelles, à la condition que
lesdites limitations n'aient pas pour conséquence d'en
dénaturer la portée ; qu'il revient par ailleurs au
législateur de fixer les principes fondamentaux du droit
du travail et, notamment, de poser des règles propres à
assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du
Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour
chacun d'obtenir un emploi, tout en ouvrant le bénéfice
de ce droit au plus grand nombre d'intéressés, ainsi
que le respect des dispositions du onzième alinéa du
Préambule selon lesquelles la Nation " garantit à
tous...le repos et les loisirs... "; qu'en portant
à trente-cinq heures la durée légale du travail
effectif, le législateur a entendu s'inscrire dans le
cadre des cinquième et onzième alinéas du Préambule
de la Constitution de 1946 ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du huitième
alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : "
Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses
délégués, à la détermination collective des
conditions de travail ainsi qu'à la gestion des
entreprises " ; que l'article 34 de la Constitution
range dans le domaine de la loi la détermination des
principes fondamentaux du droit du travail, du droit
syndical et de la sécurité sociale ; qu'ainsi, c'est au
législateur qu'il revient de déterminer, dans le
respect de cette disposition à valeur constitutionnelle,
les conditions et garanties de sa mise en oeuvre ; que,
sur le fondement de ces dispositions, il est loisible au
législateur, après avoir défini les droits et
obligations touchant aux conditions de travail, de
laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs
représentants, le soin de préciser, après une
concertation appropriée, les modalités concrètes
d'application des normes qu'il édicte ;
Considérant, en premier lieu, que l'article 8 de la
loi déférée crée un nouveau régime de modulation des
horaires de travail sur tout ou partie de l'année ; que
la durée hebdomadaire du travail ne doit toutefois pas
excéder en moyenne trente-cinq heures par semaine
travaillée et, en tout état de cause, le plafond annuel
de 1600 heures ; que l'article 11 de la loi instaure des
règles nouvelles spécifiques concernant les cadres ;
que le législateur a déterminé les conditions dans
lesquelles, en fonction de l'activité au sein de
l'entreprise des différentes catégories de cadres qu'il
a distinguées, l'objectif de réduction de la durée du
travail peut être atteint pour ces personnels ;
Considérant, par ailleurs, qu'aux mesures "
d'aide structurelle " aux entreprises mises en place
par la loi du 13 juin 1998 susvisée pour accompagner la
réduction de la durée légale du travail effectif,
succède le dispositif d'aide financière instauré par
le chapitre VIII de la loi déférée ;
Considérant que le législateur a ainsi mis en
oeuvre, en les conciliant, les exigences
constitutionnelles ci-dessus rappelées ; que cette
conciliation n'est entachée d'aucune erreur manifeste ;
qu'en particulier, les mesures précédemment décrites
ne portent pas à la liberté d'entreprendre une atteinte
telle qu'elle en dénaturerait la portée ;
Considérant, en deuxième lieu, que le législateur,
en subordonnant l'octroi de l'allègement de cotisations
sociales à la réduction négociée du temps de travail,
n'a pas porté au pouvoir de direction et d'organisation
de l'employeur une atteinte qui aurait pour effet de
dénaturer la liberté d'entreprendre ; qu'il convient au
demeurant de relever que l'article 19 a ouvert plusieurs
voies à la négociation en fonction de la taille de
l'entreprise et de la présence syndicale dans celle-ci ;
qu'aucune organisation syndicale ne disposera du "
droit de veto " dénoncé par les requérants ;
Considérant, enfin, que ni les divers contrôles que
l'autorité administrative et les organismes de
recouvrement des cotisations sociales sont habilités à
diligenter afin de vérifier si les conditions de
l'octroi du bénéfice de l'allègement des cotisations
sociales sont réunies, ni les autres dispositions
critiquées par les requérants ne portent d'atteinte
inconstitutionnelle à la liberté d'entreprendre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que
les griefs portant sur la méconnaissance de la liberté
d'entreprendre doivent être écartés ;
. En ce qui concerne l'atteinte à la liberté des
salariés :
Considérant que les députés et les sénateurs
saisissants font grief à la loi, en particulier à son
article 5, de porter atteinte à la liberté personnelle
du salarié ; qu'ils font ainsi valoir que " la loi
opère, à la place des salariés eux-mêmes, un choix
arbitraire de plus de temps libre et de moins de revenus,
sans qu'aucun motif d'intérêt général ne justifie
cette réduction massive du temps de travail " ;
Considérant que les dispositions critiquées n'ont ni
pour objet, ni pour effet de porter atteinte à la
liberté personnelle du salarié ; que le grief manque
donc en fait ;
. En ce qui concerne l'atteinte à la liberté
contractuelle :
Considérant que les requérants soutiennent qu'à
divers titres la loi déférée porterait à la liberté
contractuelle une atteinte d'une gravité telle qu'elle
méconnaîtrait la liberté découlant de l'article 4 de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789 ; qu'ils font ainsi valoir que le II de l'article 28
romprait l'équilibre des accords déjà conclus en
application de la loi susvisée du 13 juin 1998 ; que ne
seraient pas respectés par les articles 2, 5, 8, 9, 11,
17, 19 et 32 certains dispositifs figurant dans les
accords ;
Considérant qu'aux termes du V de l'article 8 de la
loi déférée : " Les stipulations des conventions
ou accords collectifs intervenues sur le fondement des
articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail
applicables à la date de publication de la présente loi
demeurent en vigueur. Toutefois, à compter de la date à
laquelle la durée légale du travail est fixée à
trente-cinq heures, les heures excédant une durée
moyenne sur l'année de trente-cinq heures par semaine
travaillée et, en tout état de cause, une durée
annuelle de 1600 heures sont des heures supplémentaires
soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L.
212-5-1 et L. 212-6 du même code " ; qu'à ceux du
sixième alinéa du I de l'article 17 de la loi : "
Les dispositions relatives à la formation négociées
postérieurement à la loi n° 98-461 du 13 juin 1998
d'orientation et d'incitation relative à la réduction
du temps de travail sont applicables pour une durée
maximum de trois ans, sous réserve du respect de
l'obligation légale d'adaptation mise à la charge de
l'employeur et de l'initiative du salarié ou de son
accord écrit. Au terme de cette période, elles doivent
être mises en conformité avec les dispositions de
l'accord national interprofessionnel étendu. A défaut,
un nouveau cadre sera fixé par la loi. " ; qu'à
ceux, enfin, du II de l'article 28 de la loi déférée :
" A l'exception des stipulations contraires aux
articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail issus
de l'article 5 de la présente loi, les clauses des
accords conclus en application des dispositions de la loi
n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée et contraires aux
dispositions de la présente loi continuent à produire
leurs effets jusqu'à la conclusion d'un accord collectif
s'y substituant, et au plus tard pendant une durée d'un
an à compter de la date d'entrée en vigueur de la
présente loi " ;
Considérant que les deux saisines font grief à ces
dispositions de porter atteinte à la liberté
contractuelle des partenaires sociaux en privant
d'effets, à l'expiration d'un délai qu'elles fixent,
sauf à être renégociés dans l'intervalle, les accords
conclus en application de la loi du 13 juin 1998
précitée ; que certaines modifications apportées au
code du travail par la loi déférée feraient en effet
obstacle, selon les requérants, à l'application de
nombreuses clauses de ces accords ; qu'il en serait ainsi
pour le régime des heures supplémentaires, pour
l'annualisation de la durée de travail, pour le temps de
travail des cadres, pour la formation professionnelle et
pour les compensations salariales ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
: " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce
qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits
naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui
assurent aux autres membres de la société la jouissance
de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être
déterminées que par la loi " ; qu'à ceux du
huitième alinéa du Préambule de la Constitution de
1946 : " Tout travailleur participe, par
l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination
collective des conditions de travail ainsi qu'à la
gestion des entreprises " ;
Considérant que l'article 1er de la loi
susvisée du 13 juin 1998 a inséré dans le code du
travail un article L. 212-1 bis ainsi rédigé : "
Dans les établissements ou les professions mentionnés
à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements
agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs
dépendances, la durée légale du travail effectif des
salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine à
compter du 1er janvier 2002. Elle est fixée
à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er
janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de
plus de vingt salariés..." ; qu'aux termes de
l'article 2 de la même loi : " Les organisations
syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou
employeurs ainsi que les organisations syndicales de
salariés reconnues représentatives sont appelés à
négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er
les modalités de réduction effective de la durée du
travail adaptées aux situations des branches et des
entreprises ... " ; que les accords collectifs
conclus par les partenaires sociaux et, selon les cas,
conventionnés ou étendus par l'autorité administrative
dans les conditions prévues par l'article 3 de ladite
loi déterminent notamment " les modalités
d'organisation du temps du travail et de décompte de ce
temps applicables aux salariés de l'entreprise, y
compris celles relatives aux personnels d'encadrement ...
" ; qu'en outre, aux termes de l'article 13 de la
loi précitée : " Au plus tard le 30 septembre
1999, et après concertation avec les partenaires
sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un
rapport établissant le bilan de l'application de la
présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et
les conclusions des négociations prévues à l'article 2
ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle
et effective du travail et l'impact des dispositions de
l'article 3 sur le développement de l'emploi et sur
l'organisation des entreprises. Le rapport présentera
les enseignements et orientations à tirer de ce bilan
pour la mise en oeuvre de la réduction de la durée
légale du travail prévue à l'article 1er,
en ce qui concerne notamment le régime des heures
supplémentaires, les règles relatives à l'organisation
et à la modulation du travail, les moyens de favoriser
le temps partiel choisi, la place prise par la formation
professionnelle dans les négociations et les modalités
particulières applicables au personnel d'encadrement ...
"; qu'enfin, il convient de relever que l'exposé
des motifs du projet de loi d'orientation et d'incitation
relatif à la réduction du temps de travail précisait
que le projet de loi, qui devait être ainsi proposé au
Parlement, ne remettrait pas en cause les accords passés
" dans le cadre légal actuel " ;
Considérant qu'il était loisible au législateur de
tirer les enseignements des accords collectifs conclus à
son instigation en décidant, au vu de la teneur desdits
accords, soit de maintenir les dispositions législatives
existantes, soit de les modifier dans un sens conforme ou
non aux accords ; que, toutefois, sauf à porter à ces
conventions une atteinte contraire aux exigences
constitutionnelles susrappelées, il ne pouvait, dans les
circonstances particulières de l'espèce, remettre en
cause leur contenu que pour un motif d'intérêt
général suffisant ;
Considérant que le législateur ne pouvait décider
en l'espèce d'une telle remise en cause que si celle-ci
trouvait sa justification dans la méconnaissance par les
accords des conséquences prévisibles de la réduction
de la durée du travail inscrite à l'article 1er
de la loi susvisée du 13 juin 1998 ou dans leur
contrariété avec des dispositions législatives en
vigueur lors de leur conclusion ;
Considérant que certaines des dispositions
introduites par la loi déférée dans le code du travail
modifient ce dernier dans un sens contrariant
l'application de clauses substantielles figurant dans
plusieurs accords conclus en vertu de la loi susvisée du
13 juin 1998, alors que ces clauses n'étaient contraires
à aucune disposition législative en vigueur lors de
leur conclusion et ne méconnaissaient pas les
conséquences prévisibles de la réduction de la durée
du travail décidée par le législateur en 1998 ; qu'il
en est ainsi, en particulier, des dispositions de
l'article 8 de la loi déférée qui plafonnent
désormais à 1600 heures par an la durée du travail que
peut prévoir un accord collectif tendant à la variation
de la durée hebdomadaire au cours de l'année, alors que
plusieurs accords prévoient un volume annuel d'heures de
travail qui, sans contrevenir aux dispositions
législatives en vigueur lors de leur conclusion, y
compris celles relatives aux jours fériés, et sans
excéder la moyenne hebdomadaire de trente-cinq heures
résultant de l'article 1er de la loi du 13
juin 1998, est néanmoins supérieur à 1600 heures au
cours de l'année ; qu'il en va de même des dispositions
de l'article 6 qui réduisent de quarante-six à
quarante-quatre heures la durée hebdomadaire moyenne du
travail, calculée sur une période quelconque de douze
semaines consécutives, prévue à l'article L. 212-7 du
code du travail, alors que certains accords l'avaient
fixée à quarante-cinq ou quarante-six heures ;
Considérant qu'en n'écartant pas du champ
d'application de telles dispositions les entreprises
couvertes par les accords collectifs contraires, pendant
toute la durée de ceux-ci, la loi déférée a méconnu
les exigences constitutionnelles susrappelées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il
y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution
les mots : ", et au plus tard pendant une durée
d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la
présente loi " figurant au II de l'article 28 ;
qu'il n'en est pas de même, en revanche, des mots :
" A l'exception des stipulations contraires aux
articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail issus
de l'article 5 de la présente loi ", les
modifications apportées par la loi déférée aux
articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail étant
sans rapport avec les accords conclus en application de
la loi susvisée du 13 juin 1998, ou bien constituant des
conséquences prévisibles de la réduction à
trente-cinq heures de la durée légale hebdomadaire du
travail ;
Considérant que, pour des motifs analogues à ceux
qui ont été exposés ci-dessus, il y a également lieu
de déclarer non conformes à la Constitution les mots :
" et, en tout état de cause, une durée annuelle de
1600 heures " figurant au V de l'article 8, ainsi
que les mots : " pour une durée maximum de trois
ans, sous réserve du respect de l'obligation légale
d'adaptation mise à la charge de l'employeur et de
l'initiative du salarié ou de son accord écrit. Au
terme de cette période, elles doivent être mises en
conformité avec les dispositions de l'accord national
interprofessionnel étendu. A défaut, un nouveau cadre
sera fixé par la loi " figurant au sixième alinéa
du I de l'article 17 ;
Considérant, enfin, que manque en fait le grief tiré
par les sénateurs requérants de ce qu'en "
prédéterminant " le contenu des différents
accords collectifs qu'elle prévoit, la loi déférée
dénaturerait le huitième alinéa du Préambule de la
Constitution de 1946 ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA VIOLATION DU PRINCIPE
D'ÉGALITÉ :
Considérant que les auteurs des deux saisines font
valoir que la loi déférée porterait atteinte, à
divers titres, au principe d'égalité ; qu'ils
dénoncent ainsi des ruptures d'égalité contraires à
la Constitution, d'une part, entre les entreprises et,
d'autre part, entre les salariés ;
. En ce qui concerne la différence de traitement
entre les entreprises :
Considérant, en premier lieu, que les requérants
soutiennent qu'en subordonnant le bénéfice de
l'allègement des charges sociales à la conclusion d'un
accord, le législateur aurait créé, entre entreprises,
une discrimination injustifiée, dans la mesure où
certaines d'entre elles seraient dans l'impossibilité de
conclure un tel accord, à défaut d'interlocuteur
habilité à négocier ou disposé à le faire ;
Considérant que, sans méconnaître les exigences du
principe d'égalité, il était loisible au législateur,
afin de favoriser la négociation collective dans le
domaine de la détermination de la durée du travail, de
subordonner le bénéfice de l'allègement de cotisations
sociales à la conclusion d'un accord collectif,
conclusion au demeurant facilitée par l'édiction des
nouvelles procédures définies à l'article 19 ;
Considérant, en deuxième lieu, que les députés
saisissants soutiennent que, dans la mesure où il ne
serait pas la contrepartie de " surcoûts
exceptionnels que les entreprises auraient accepté
d'assumer à l'issue de la négociation collective, mais
ne serait que l'application de la durée de travail
égale à trente-cinq heures ", l'allègement de
cotisations sociales prévu porterait également atteinte
à l'égalité entre les entreprises ;
Considérant que ce grief manque en fait dès lors que
le bénéfice de l'allègement des cotisations sociales
peut être supprimé ou suspendu pour d'autres causes que
le non respect de la durée du travail ;
Considérant, en troisième lieu, que, selon les
sénateurs requérants, la différence de traitement dont
bénéficient les entreprises en situation de monopole ne
reposerait pas sur des critères objectifs et rationnels
; qu'en excluant, au quatrième alinéa de l'article 21
de la loi, du bénéfice de l'allègement de cotisations
sociales certains organismes publics, eu égard à leurs
spécificités, le législateur n'a pas méconnu le
principe d'égalité ;
. En ce qui concerne la différence de traitement
entre les salariés :
Considérant, en premier lieu, que les sénateurs
requérants estiment contraire au principe d'égalité la
différence de situation entre les salariés qui,
jusqu'au 1er janvier 2002, travailleront dans
une entreprise encore assujettie à la durée légale du
temps de travail de trente-neuf heures et les salariés
employés par une entreprise soumise à la nouvelle
durée légale ;
Considérant que la différence de traitement ainsi
relevée, qui repose sur la différence de taille des
entreprises, revêt un caractère temporaire ; qu'ainsi
qu'il a été dit dans la décision susvisée du 10 juin
1998, le délai octroyé aux entreprises employant vingt
salariés au plus prend en compte les difficultés
propres à la gestion du personnel de telles entreprises
;
Considérant, en deuxième lieu, que, selon les
députés et les sénateurs saisissants, la garantie de
rémunération instaurée par l'article 32 de la loi
déférée violerait le principe d'égalité ;
Considérant que, par cette disposition, le
législateur a entendu faire bénéficier les salariés
rémunérés au salaire minimum de croissance, en cas de
réduction de la durée du travail, du maintien de leur
rémunération, assuré par le versement d'un complément
différentiel de salaire ; que le deuxième alinéa du I
de l'article 32 définit le salaire minimum dont vont
bénéficier les salariés employés à temps complet
dont la durée du travail a été réduite à trente-cinq
heures ; que, conformément à son troisième alinéa, si
la durée collective est réduite en deçà de
trente-cinq heures, les salariés perçoivent le minimum
précédemment défini à due proportion de cette
réduction ; qu'en application du quatrième alinéa, il
en va de même pour les salariés à temps partiel,
employés dans les entreprises où la durée collective
est réduite en dessous de trente-neuf heures, dont la
durée du travail est réduite ; que ce dispositif est de
nature transitoire ;
Considérant que le législateur a en outre entendu
appliquer, au sein des entreprises où la garantie de
rémunération est ainsi instaurée, le principe selon
lequel doit être assurée l'égalité de rémunération
entre tous les salariés, dès lors qu'ils sont placés
dans une situation identique ; qu'il a mis en oeuvre ce
principe au II de l'article 32 de la loi déférée ;
qu'en effet, le bénéfice de la garantie de
rémunération est accordé, en application du premier
alinéa du II, aux salariés à temps complet embauchés
après la réduction de la durée collective de travail,
qui occupent des emplois équivalents à ceux de
salariés bénéficiant du complément différentiel ;
que ce bénéfice est également consenti à due
proportion, en application du deuxième alinéa du II de
l'article 32, aux salariés à temps partiel embauchés
après la réduction de la durée du travail, qui
occupent un emploi équivalent à celui occupé par un
salarié bénéficiant dudit complément ; qu'enfin, il
résulte du troisième alinéa du même II, que
bénéficient également de la garantie, à due
proportion, les salariés employés à temps partiel à
la date de la réduction de la durée du travail,
lorsqu'ils sont occupés sur un emploi équivalent, par
sa nature et sa durée, à celui occupé par un salarié
bénéficiant du complément ; que sont toutefois exclus
du bénéfice de la garantie, au sein de cette dernière
catégorie, les salariés à temps partiel qui " ont
choisi de maintenir ou d'accroître leur durée du
travail " ;
Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente
des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à
l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu
que, dans l'un et l'autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport direct avec
l'objet de la loi qui l'établit ;
Considérant que le législateur a pu, sans porter
atteinte au principe d'égalité, exclure du bénéfice
du complément différentiel de salaire les salariés à
temps complet et les salariés à temps partiel recrutés
postérieurement à la réduction du temps de travail sur
des postes qui ne sont pas équivalents à ceux occupés
par des salariés bénéficiant de la garantie ; qu'en
revanche, en excluant du bénéfice de la garantie
certains salariés employés à temps partiel à la date
de la réduction du temps de travail et occupant des
postes équivalents à ceux de salariés bénéficiant du
complément différentiel de salaire, il a établi une
différence de traitement sans rapport direct avec
l'objectif qu'il s'était fixé ;
Considérant, par suite, que les mots ", sauf si
les salariés à temps partiel ont choisi de maintenir ou
d'accroître leur durée du travail " figurant au
troisième alinéa du II de l'article 32 de la loi
déférée, doivent être déclarés contraires à la
Constitution ;
Considérant, en troisième lieu, que les deux
saisines font grief à l'article 5 de la loi déférée
d'être contraire au principe d'égalité ;
Considérant que cet article définit les règles
applicables aux heures supplémentaires dans le régime
définitif et pendant la période d'adaptation accordée
aux entreprises ;
Considérant qu'aux termes des trois premiers alinéas
de l'article L. 212-5 du code du travail tel que modifié
par le II de l'article 5 de la loi déférée :
" Dans les établissements et professions
assujettis à la réglementation de la durée du travail,
les heures supplémentaires effectuées au-delà de la
durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L.
212-1 ou de la durée considérée comme équivalente
sont régies par les dispositions suivantes :
" I. - Chacune des quatre premières heures
supplémentaires effectuées dans les entreprises où la
durée collective de travail est inférieure ou égale à
la durée légale fixée par l'article L. 212-1, ou à la
durée considérée comme équivalente, donne lieu à une
bonification de 25 %.
" Dans les autres entreprises, chacune de ces
quatre premières heures supplémentaires donne lieu à
une bonification de 15 % et à une contribution de 10 %.
" ;
Considérant qu'en vertu du V de l'article 5 de la loi
:
" Pendant la première année civile au cours de
laquelle la durée hebdomadaire est fixée à trente-cinq
heures, chacune des quatre premières heures
supplémentaires effectuées donne lieu :
- dans les entreprises où la durée collective de
travail est inférieure ou égale à la durée légale
fixée par l'article L. 212-1 du code du travail ou à la
durée considérée comme équivalente, à la
bonification prévue au premier alinéa du I de l'article
L. 212-5 du même code au taux de 10 %;
- dans les autres entreprises, à la contribution
mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L.
212-5 du même code au taux de 10 %. " ;
Considérant que les requérants font valoir qu'"
aucune raison objective ne justifie une telle différence
de traitement entre les heures supplémentaires
effectuées par des salariés selon qu'ils travaillent
dans une entreprise ayant ou non réduit sa durée
collective de travail à trente-cinq heures, si ce n'est
le souci des pouvoirs publics d'inciter ces derniers, en
les pénalisant ainsi financièrement par la loi, à
faire pression sur leur employeur pour que l'entreprise
pratique la durée de trente-cinq heures " ;
Considérant que les règles de rémunération des
heures supplémentaires arrêtées par l'article 5
s'appliquent à compter de la première heure de travail
effectuée au-delà de la durée hebdomadaire du travail
fixée par l'article L. 212-1 du code du travail à
trente-cinq heures, que les entreprises aient ou non
porté à ce niveau leur durée collective du travail ;
que, dès lors, les salariés des deux catégories
d'entreprises mentionnées à l'article 5 se trouvent
dans une situation identique au regard de l'objet de ces
règles ; que, par ailleurs, le non aboutissement
éventuel de négociations tendant à la réduction de la
durée collective du travail pratiquée dans l'entreprise
ne saurait être individuellement imputé à chaque
salarié ;
Considérant, en conséquence, qu'en instituant pour
les quatre premières heures supplémentaires une
bonification de 25 % au profit des salariés des
entreprises où la durée collective du travail est
inférieure ou égale à trente-cinq heures, alors que,
pour ceux employés dans les autres entreprises, la
bonification n'est que de 15 %, le législateur a
établi, au détriment de ces derniers, une différence
de traitement sans rapport direct avec l'objet de la loi
;
Considérant qu'est contraire au principe d'égalité,
pour les mêmes motifs, le traitement réservé aux
salariés visés au troisième alinéa du V de l'article
5 ;
Considérant que, par suite, il y a lieu de déclarer
contraires à la Constitution, au premier alinéa du I de
l'article L. 212-5 du code du travail dans sa rédaction
issue du II de l'article 5 de la loi déférée, les mots
" effectuées dans les entreprises où la durée
collective du travail est inférieure ou égale à la
durée légale fixée par l'article L. 212-1, ou à la
durée considérée comme équivalente, " ; que le
deuxième alinéa du I de l'article L. 212-5 doit
également être déclaré contraire à la Constitution ;
que sont inséparables de ces dispositions déclarées
non conformes à la Constitution les quatrième,
cinquième et sixième alinéas du I de l'article L.
212-5 du code du travail ; qu'il en est de même du III
de l'article 5 ;
Considérant qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs,
de déclarer non conformes à la Constitution, au
deuxième alinéa du V de l'article 5 les mots "-
dans les entreprises où la durée collective de travail
est inférieure ou égale à la durée légale fixée par
l'article L. 212-1 du code du travail ou à la durée
considérée comme équivalente, " ; qu'il en va de
même du troisième alinéa du V ;
Considérant que, pour les mêmes motifs, doit être
déclaré contraire à la Constitution le troisième
alinéa de l'article 25 de la loi déférée ;
Considérant qu'il convient, pour les mêmes raisons,
de déclarer contraires à la Constitution, au premier
alinéa du I de l'article 992-2 du code rural, dans sa
rédaction issue du V de l'article 33 de la loi
déférée, les mots : " effectuées dans les
entreprises ou exploitations où la durée collective de
travail est inférieure ou égale à la durée légale
fixée par l'article 992, ou à la durée considérée
comme équivalente, ", ainsi que les deuxième,
quatrième, cinquième et sixième alinéas de ce I ;
Considérant, enfin, que selon le dernier grief, les
règles posées pour les personnels d'encadrement
porteraient atteinte au principe d'égalité ;
Considérant qu'il était loisible au législateur,
sans méconnaître le principe d'égalité, de fixer des
règles particulières pour le personnel d'encadrement,
eu égard aux spécificités d'emploi de ce personnel ;
que, par suite, le grief doit être rejeté ;
Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil
constitutionnel, d'examiner d'office aucune question de
constitutionnalité ;
D E C I D E :
Article premier.- Sont déclarées contraires
à la Constitution les dispositions suivantes de la loi
relative à la réduction négociée du temps de travail
:
1) Le IV de l'article 1er ;2) Au I
de l'article L. 212-5 du code du travail,
dans sa rédaction issue du II de l'article 5:
- Les mots : " effectuées dans les
entreprises où la durée collective de
travail est inférieure ou égale à la
durée légale fixée par l'article L.
212-1, ou à la durée considérée comme
équivalente, " figurant au
premier alinéa ;
- Les deuxième, quatrième, cinquième et
sixième alinéas ;
3) Le III de l'article 5 ;4)
Au V de l'article 5 :
- Au deuxième alinéa, les mots : "-
dans les entreprises où la durée
collective de travail est inférieure ou
égale à la durée légale fixée par
l'article L. 212-1 du code du travail ou
à la durée considérée comme
équivalente," ;
- Le troisième alinéa ;
5) Au V de l'article 8 les mots : "
et, en tout état de cause, une durée
annuelle de 1600 heures " ;6)
Au sixième alinéa du I de l'article 17,
les mots : " pour une durée
maximum de trois ans, sous réserve du
respect de l'obligation légale
d'adaptation mise à la charge de
l'employeur et de l'initiative du
salarié ou de son accord écrit. Au
terme de cette période, elles doivent
être mises en conformité avec les
dispositions de l'accord national
interprofessionnel étendu. A défaut, un
nouveau cadre sera fixé par la loi
" ;
7) Le troisième alinéa de
l'article 25;
8) Au II de l'article 28, les mots :
" , et au plus tard pendant une
durée d'un an à compter de la date
d'entrée en vigueur de la présente loi "
;
9) Au troisième alinéa du II de
l'article 32, les mots : ", sauf
si les salariés à temps partiel ont
choisi de maintenir ou d'accroître leur
durée du travail " ;
10) Au I de l'article 992-2 du
code rural, dans sa rédaction issue du V
de l'article 33 :
- Au premier alinéa, les mots : "
effectuées dans les entreprises ou
exploitations où la durée collective de
travail est inférieure ou égale à la
durée légale fixée par l'article 992,
ou à la durée considérée comme
équivalente, " ;
- Les deuxième, quatrième, cinquième et
sixième alinéas.
Article 2.- La présente décision sera
publiée au Journal officiel de la République
française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa
séance du 13 janvier 2000, présidée par M. Yves GUÉNA
et où siégeaient : MM. Georges ABADIE, Michel AMELLER,
Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR,
M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.
Retour R.T.T.

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